Lettre de liaison n°22 - 10 2023

Cher camarade, chère madame, cher monsieur,

Après ces mois d’un été qui de manière étonnante joue les prolongations, j’ai le plaisir de vous retrouver au travers de cette lettre, nouveau maillon de cette longue chaîne qui, malgré le temps qui passe, nous relie encore autour d’une mémoire commune pour partager ensemble nos joies, nos peines et nos attentes.

En juin, nous avons été attristés d’apprendre le décès du général Jean-Pierre Anglade, ancien président de l’Union des Aveugles de Guerre. Vous trouverez dans cette lettre un article rappelant les étapes de sa brillante carrière militaire poursuivie après sa blessure. Homme de caractère et de conviction, le général Anglade s’est investi et dévoué pendant sa présidence pour faire bénéficier l’UAG de ses diverses compétences. Il a par la suite manifesté un soutien constant à la Fondation. Reconnaissants pour son engagement et respectueux de sa mémoire, ses camarades présentent à son épouse et à ses enfants leurs très sincères condoléances.

Comme leurs camarades des associations du CE-GIG, les aveugles de guerre constatent malheureusement que, pour eux et les conjoints survivants,  l’écart entre la valeur du point PMI et l’inflation calculée depuis 2005, continue de se creuser. Il a atteint 9,75 % au 01 janvier 2023, contre 6,70 % au 01 janvier 2022. Soit une augmentation de 3,05 %, malgré la revalorisation du point PMI de 3,8 % intervenue au 1er janvier 2023.

La Fondation des Aveugles de Guerre et les associations du Comité d’Entente des GIG, ont interpelé madame Patricia Mirallès, secrétaire d’Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, pour qu’une mesure de revalorisation exceptionnelle de 3,05 % intervienne au 1er janvier 2024.

Lors de son audition devant la commission de la défense de l’Assemblée Nationale, Madame Mirallès a annoncé que, par suite d’une arbitrage de madame la Première Ministre, une augmentation de 1,5% de la valeur du point PMI interviendra en janvier 2024. C’est déjà ça mais largement insuffisant. Cela représente une augmentation de 1€ par mois pour l’Allocation de Reconnaissance du Combattant (Ex-retraite du combattant).

Du fait des constants besoins d’assistance que nécessite la situation de cécité, les aveugles de guerre ont régulièrement intercédé auprès des autorités ministérielles et législatives pour que leurs conjoints survivants, et plus largement ceux de tous les grands invalides de guerre, reçoivent la juste et légitime reconnaissance de la Nation pour les services rendus en son nom en leur qualité de tierce personne.

Parmi eux, les conjoints survivants non imposables sont les ressortissants les plus fragiles de l’ONAC-VG. Ils souffrent plus particulièrement de l’écart qui continue de se creuser entre l’inflation et la valeur du point PMI. Pour améliorer leur pension, le Comité d’Entente des GIG a proposé de revaloriser le nombre de points d’indice du supplément social en le faisant passer de 167 à 200 points d’indice, correspondant à une augmentation de 5%.

Le parlement va commencer dans les prochaines semaines à étudier le projet de loi de finances pour 2024. Des actions devront être entreprises auprès des élus pour que le droit à réparation et à reconnaissance inscrite dans la Loi par la Représentation Nationale se traduise concrètement dans des mesures de protection du pouvoir d’achat des pensionnés.

Nous espérons pouvoir revenir vers vous avec de bonnes nouvelles dans la prochaine lettre de liaison.

En vous assurant de l’entière disponibilité de la Fondation en cas de besoin, j’adresse à chacun d’entre vous, et en particulier à ceux confrontés à un deuil, la maladie ou la solitude, mes chaleureuses et amicales pensées.

Pierre Tricot

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In memoriam

Notre camarade Jean-Pierre Anglade est décédé le 18 juin 2023 à l’âge de 88 ans.

Né le 06 octobre 1934 à Saint-Dié (Vosges), Sous-lieutenant au 49ème bataillon de Génie, blessé par mine le 25 mars 1958 à la frontière algéro-marocaine.

Commandeur de la Légion d’Honneur, Grand-Croix de l’Ordre national du Mérite, décoré de la Croix de la valeur militaire avec palme, Chevalier des palmes académiques.

Saint-cyrien de la promotion Amilakvari (54-56), il poursuit après sa blessure une carrière militaire d’ingénieur en statistiques. Admis à la retraite en 1992 avec le grade de Général de Brigade.

Admis à l’UAG le 23 avril 1959. Administrateur de 1990 à 1999, il exerce la présidence de l’UAG de 1996 à 1999.

Marié en juillet 1962 à Monique Cleder, il est père de 3 enfants.

Discours du Général Marc Monchal, chef d’état-major de l’armée de terre pour les adieux aux armes du général Jean-Pierre Anglade.

Versailles, le 30 septembre 1992

« Le général de brigade Jean-Pierre ANGLADE fait aujourd’hui ses adieux aux armes après avoir consacré 40 années de sa vie au service de la France.

Engagé volontaire le 6 novembre 1952 au titre de l’Ecole des Sous-officiers de Strasbourg, il réussit en 1954 le concours d’entrée à Saint-Cyr. Il appartient à la promotion Amilakvari. A sa sortie de Saint-Cyr en 1956, il choisit l’arme du génie.

Sous-lieutenant, il rejoint l’Algérie fin 1956 après une brève période de formation à l’Ecole d’application du génie à Angers.

Affecté au 49ème bataillon du génie à Marnia sur la frontière algéro-marocaine, il se porte volontaire pour commander une section de pose de mines.

Jeune officier à la vocation affirmée, plein d’autorité et de dynamisme, il sait redonner confiance et entrain à ses hommes éprouvés par la perte de leur chef précédent. En 15 mois, il amorce lui-même plus de 20 000 mines.

Le 27 mars 1958 en déminant les abords d’une brèche pratiquée dans le réseau frontière, il est très grièvement blessé aux yeux par l’éclatement d’une mine ; il perd alors définitivement la vue.

Faisant preuve d’un courage exemplaire et d’une force morale exceptionnelle, le lieutenant Anglade domine cette épreuve d’une manière qui force l’admiration de ceux qui l’entourent et de ses camarades.

Fidèle à son idéal de Saint-Cyrien et redoublant d’efforts, il s’engage à fond pour continuer à rendre des services éminents qu’il estime devoir à son armée et à son pays.

Dès sa convalescence, il suit les cours de l’Ecole nationale de statistique et d’administration économique dont il sort brillamment.

En 1962 à l’issue de sa convalescence, il rejoint la Direction technique des armes et de l’instruction où il s’intègre avec aisance au sein d’une équipe du laboratoire de psychologie appliquée. Sa carrière va désormais être centrée sur la gestion des hommes.

Promu Capitaine le 1er juillet 1963, il est admis la même année à l’Enseignement militaire supérieur scientifique et technique pour y compléter sa formation. Il obtient le diplôme technique en 1964.

Que ce soit comme stagiaire de l’EMSST ou comme rédacteur, sa formation de statisticien, son intelligence des problèmes lui font apporter une contribution essentielle aux recherches entreprises par la Direction technique des armes et de l’instruction dans le domaine de la sélection des personnels du contingent.

En 1966, il est affecté au Service central du matériel du génie. Il y passe deux années au cours desquelles il est admis dans le cadre spécial.

Affecté en janvier 1968 au 5ème Régiment du génie, il est détaché pour emploi au laboratoire de psychologie appliquée de la DTAI où il est chargé d’études statistiques.

Il rejoint à nouveau en septembre 1969 l’EMSST pour y suivre la formation du Brevet technique de l’enseignement militaire supérieur « Etudes humaines », diplôme qu’il obtient en 1970.

En 1971, il est affecté à la Direction centrale du génie où il assume la responsabilité de la gestion informatisée des sous-officiers. Il y reste plus de 5 années. Ses remarquables dispositions intellectuelles associées à une mémoire parfaitement organisée lui permettent de remplir avec efficacité ses fonctions de chef de projet. Il conduit avec succès le développement de l’automatisation du plan d’avancement des sous-officiers et la saisie d’informations par lecture optique au profit de l’Armée de Terre. Il est promu Commandant le 1er juillet 1974.

Muté à l’Ecole supérieure du génie militaire à Versailles en août 1976, il manifeste immédiatement ses qualités de pédagogue. Professeur d’administration, d’économie et de gestion, sa grande culture, la qualité de son expression, la richesse de sa documentation le font particulièrement apprécier des élèves. Recherchant les responsabilités, il s’investit personnellement dans de nombreux domaines. Ainsi, il développe les moyens audiovisuels de l’Ecole, l’utilisation de ce procédé pédagogique dans l’enseignement et la pratique des langues étrangères.

Directeur des cours par correspondance, il en améliore sans cesse l’organisation pour préparer au mieux les candidats aux examens d’admission.

Il est intégré dans le corps technique et administratif de l’Armée de Terre en 1978.

Il est promu Lieutenant-colonel le 1er avril 1980 puis Colonel en 1985.

Le 1er septembre 1989, il est désigné comme Directeur des études et participe activement à la réforme des enseignements délivrés par l’Ecole. Il donne aux professeurs l’impulsion et l’enthousiasme nécessaires pour réussir dans leurs missions. Il est nommé Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques en mars 1991.

Grand blessé de guerre, il a dominé son épreuve avec un courage et une volonté qui force l’admiration. doté d’une personnalité hors du commun, servi par une intelligence supérieure et une mémoire remarquable, il a démontré sa capacité à exercer des fonctions de grande responsabilité et témoigné dans toutes ses affectations de sa très haute idée du métier d’officier. Sa promotion au grade de Général de brigade en constitue le légitime aboutissement.

Commandeur de la Légion d’Honneur, titulaire de deux citations dont une à l’ordre de l’Armée, le général Jean-Pierre Anglade arrive au terme d’une carrière exceptionnelle et digne d’être citée en exemple. Le chef d’Etat-major de l’armée de terre, son camarade de promotion, tient en son nom personnel et au nom de toute la promotion Amilakvari, ainsi que de l’armée de terre, à lui exprimer sa profonde admiration et sa très grande gratitude pour les éminents services rendus à la France et à sa défense. »

 

Notre camarade Michel Langlois est décédé le 19 juillet 2023, à l’âge de 85 ans.

Né le 19 mars 1938 à Saint-Germain sur Ay (Manche), jeune victime civile de guerre blessée le 03 octobre 1945 à Saint-Germain sur Ay par balle explosive. Aveugle et amputé de la main droite, membre de l’UAG depuis 1984. Marié en avril 1975 à Christiane Endelin, il est père de 2 enfants.

Nous avons appris avec retard le décès de Madame veuve Marie Lochet, 88 ans, en août 2022.

Madame veuve Alice Brochen, 95 ans, le 09 juin 2023.

Madame veuve Jeannine Delattre, 88 ans, le 26 juillet 2023

M. Jean-Marc Peyrefitte, fils de Madame veuve Michèle Peyrefitte, à l’âge de 47 ans, en juin 2023.

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Etat civil : Naissance

Noé de la Monneraye, 8ème petit-enfant du colonel et de madame de BEAUMONT, le 29 juillet 2023

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Retrouvailles 2023

Les journées des Retrouvailles se sont déroulées à Paris du 18 au 20 septembre. Malheureusement, année après année, le nombre de participants diminue régulièrement, l’âge, la maladie et la distance présentant maintenant un obstacle pour beaucoup d’entre vous. Toutefois, les petits mots de regrets reçus en remerciements à l’invitation de la Fondation constituent de touchantes marques de fidélité et d’attachement à la famille des aveugles de guerre. 

Nous étions une vingtaine à nous retrouver le lundi 18 septembre pour un premier dîner au Cercle National des Armées. Le lendemain, le groupe a embarqué pour une croisière sur le canal de l’Ourcq. Cette balade entre le bassin de la Villette et le parc de la bergère dans le département de la Seine Saint-Denis, illustrée de commentaires d’un guide, a permis de découvrir les profonds changements du Nord Est parisien en pleine mutation : le parc de la Villette, les grands moulins et la mairie de Pantin, la cité de la Terre à Bobigny… ainsi que de nombreuses œuvres de street art décorant les façades le long des berges du canal. Le déjeuner, pris au restaurant « la Rotonde » sur le bord du bassin, a été l’occasion de déguster à Paris des spécialités de la cuisine corse !

Puis, en début d’après-midi, déplacement vers l’Hôtel de la Marine, place de la Concorde.  Cet hôtel particulier, résidence de l’intendant du mobilier royal sous l’Ancien Régime, garde meuble sous la Révolution, puis ministère et Etat-Major de la Marine jusqu’en 2015, a été entièrement rénové et ouvert au public en 2021. Une guide conférencière nous a accompagnés dans la visite des appartements des intendants, des salons d’apparat et de la loggia, permettant ainsi à tous d’apprécier la qualité de la restauration des intérieurs de ce splendide monument national.

Une messe à la mémoire des aveugles de guerre, des veuves et des épouses décédés a été célébrée le mercredi 20 par le père Xavier Lefevre à l’Eglise Saint-Augustin.

Nous remercions Thomas Carré, administrateur, fils de Paulette et Jean Carré, pour avoir entrainé et soutenu les chants de notre petite chorale.

Les salons du Cercle National des Armées ont accueilli le déjeuner de clôture de ces Retrouvailles, occasion toujours très appréciée d’échanges amicaux propices aux évocations de joyeux souvenirs.

Beaucoup d’entre nous ont certainement eu une pensée particulière pour nos camarades André Joudrain qui aurait eu 100 ans le 9 septembre et Michel Langlois, tous deux participants fidèles de ces journées dont ils agrémentaient le déjeuner de leurs chants et récitations de poésie.

Croisière sur le canal de l'Ourcq suivi d'un déjeuner à la Rotonde Stalingrad au bassin de la Villette

Déjeuner au Cercle National des Armées

 

Petite précision fiscale concernant la succession d’un titulaire d’une pension militaire d'invalidité

Aux termes des dispositions de l'article 775 bis du CGI, il est prévu que "sont déductibles de l'actif successoral les rentes ou indemnités versées ou dues en réparation de dommages corporels liés à un accident ou à une maladie."

Le BOFIP indique clairement que "les pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, versées par l'État à titre de dédommagement, en réparation de dommages corporels par suite d'évènements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service, sont admises en déduction au passif successoral à la condition que les sommes versées revêtent un caractère indemnitaire.

Il convient de rappeler que la rente ou la pension doit impérativement pouvoir être rattachée à un dommage corporel ; la déduction serait limitée au montant nominal de l'indemnité ou de la rente versée ou due, à l'exclusion d'une actualisation ou d'une revalorisation (instruction 16-5-2007, 7 G-4-07 n° 11, non reprise au BOFIP) ; Ainsi, la déduction ne concerne pas les pensions de réversion versées aux héritiers du pensionnaire invalide, notamment son conjoint, et ne peuvent donc pas être déduite de leur propre succession, le conjoint n'ayant pas subi un préjudice propre (rep Min Labaronne Joan 29 juin 2021 n° 38449).

Si la déduction a été omise dans la déclaration successorale (DS) du titulaire, l’omission ne pourra être rectifiée que dans le cadre d’une DS rectificative dans le délai de réclamation de droit commun (31/12 de la 2ème année suivant l’enregistrement de la DS) ou dans le délai spécial de réclamation en cas de redressement (3 ans ou 6 ans en fonction du redressement notifié).

Rappelons que, en cas de souscription d’une assurance-vie par le titulaire avec les fonds reçus, la déduction du passif ne pourra être efficace que si les biens déclarés dans la DS représentent une valeur supérieure.

En effet, une assurance-vie avec bénéficiaire déterminé se dénoue hors succession (L 132-12 du Code des Assurances) et, même si les bénéficiaires sont « les héritiers » (liquidation globale des droits), ce passif ne pourra pas s’imputer sur les sommes taxables au titre de ce contrat, mais seulement sur les biens déclarés à l’actif de la succession.

Pour les conseils du titulaire de la rente ou de l’indemnité, il sera donc indispensable d’attirer leur attention sur ce point et, comme toujours, de passer par une analyse patrimoniale globale de sa situation qui devrait permettre d’éviter cet écueil (renoncer à une telle souscription ou limiter les versements réalisés sur l’assurance-vie).

 

 

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